vendredi 20 avril 2007
Day Break
DAY BREAK: ET SI C’ÉTAIT LA QUINTESSENCE DE LA SÉRIE TV ?
Day Break est une série de 13 épisodes diffusée sur ABC mais annulée après la diffusion du 6è, faute d’audience (6,5 millions de téléspectateurs en moyenne quand même!). Le reste des épisodes fut gracieusement offert par la chaine sur son site Internet.
Day Break part d’un postulat simple: Brett Hopper est un policier des narcotiques spécialisé dans les gangs. Il est accusé à tort du meurtre de Garza, un procureur, et va chercher à faire la lumière sur l’affaire, les flics et les méchants aux trousses.
Les jours peuvent devenir très compliqués pour Hopper en fonction des décisions qu’il prend. Tout recommence au début chaque jour à 6h17; rien n’affecte vraiment le jour “suivant”, seul lui garde les traces de la “veille” (c’est-à-dire, s’il vient à être blesser, il gardera des séquelles) à une exception près: si les événements s’enchaînent de la manière dont ils sont censés se produire.
Voici les principaux personnages pour que vous puissez comprendre un peu quand même
Rita est la copine de Brett. Ex-femme de Chad Shelten, elle est bonne et fait nurse pour payer ses factures.
Chad Shelding est un flic des flics. Ce jour-ci, il est chargé de faire un rapport sur Andrea, la partenaire de Brett.
Jennifer Mathis est, comme son nom ne l’indique pas, la soeur de Brett. Elle est prof dans un lycée et la plupart du temps, l’air d’avoir à porter le monde sur ses épaules.
Damien Ortiz est le latino, le petit chef de gang qui en veut. Il est surtout l’informateur de Brett.
Détective Choi est quant à lui, l’Asiatique imposé par le quotat. Il est chargé d’enquêter sur le meurtre de Garza avec le Détective Spivak.
Voilà en gros. Il y a bien sûr pléthore de persos mais ça devrait suffire pour la suite.
Là où la série se différencie des autres séries policières, c’est que la psychologie des personnages est profondément travaillée à un point tel qu’ils paraissent existés. Partant de l’inévitable cliché pour les positionner dans les premiers épisodes, les créateurs ont travaillé chacun des protagonistes comme s’ils avaient une vie en dehors de cotoyer le héros. Aucun personnage, aucune situation n’est là gratuitement pour combler un vide et parce qu’il faut écrire un épisode de 40 minutes. Je n’imagine même pas le travail à la fois méticuleux et maniaque qu’il a fallu aux scénaristes pour construire les personnages, leurs allers-et-venues, leurs différentes actions traitées sous différents angles en fonction de l’action ou le comportement de Brett. Si l’on part de ce constat, on réalise qu’il y a dans chaque personnage les éléments qui amènent à la découverte des clés de cette série. Un personnage en particulier, bien qu’anodin car seul personnage qui ne soit, de près ou de loin vraiment mêlé au complot propose une vision nouvelle sur l’ensemble du calvaire de Brett. La force encore des scénaristes est de donner toutes les clés pour comprendre TOUS les éléments de la série sans jamais les mettre en avant. C’est par une lecture en filigrane que l’on se fait sa propre opinion.
Attardons-nous maintenant sur la liste des 13 épisodes de la saison 1 (qui restera l’unique): Pilot, What If They Run, What If He Lets Her Go, What If He Can Change the Day, What If They’re Stuck, What If He’s Not Alone, What If She’s Lying, What If They’re Connected, What If He’s Free, What If He Walks Away, What If She’s the Key et What If it’s Him.
On remarquera comme leitmotiv le “What If” qui sert justement au spectateur de s’impliquer auprès de Brett. Les titres de chaque épisode est une manière de voir la boucle temporelle. Le “What If” est à l’origine même du miracle, du rêve et du souhait. Mais ne croyez pas que la facilité scénaristique du “finalement, tout n’était qu’un rêve” soit la réponse. Les scénaristes s’en jouent d’ailleurs dans le premier épisode! Day Break est une série qui repose sur ses personnages ; donc ce sont dans leurs actions que résident les réponses au “What If”. Lorsque l’on regarde la série, on s’aperçoit qu’il n’y a pas d’artifices.
En effet, les décisions logiques de Brett se font en réaction avec son humeur, puis, le constat des faits qui se déroulent s’il fait une action particulière. Et tout aussi logiquement – tout du moins de mon point de vue – Brett prendra, ou en connaissance de cause car il l’a déjà “vécu” ou par expérimentation (d’où le “What If”) une décision qui entraînera sa conséquence nécessaire. Day Break vous tient en haleine grâce cette idée simple mais géniale: on est le policier. On vit tout à travers les yeux de Brett Hopper, on agirait de la même façon que lui et si la série s’autorise parfois quelques entorses à ça, c’est pour mieux permettre aux spectateur d’avoir une vision un peu plus globale des événements. Les scénaristes prennent le thème et en ressortent tous les cas probables pour ne laisser aucune place à une éventuelle porte de sortie type deus ex machina. C’est donc d’une manière parfaitement naturelle malgré l’aspect irrationnel de la boucle temporelle que se déroule l’histoire. Le génie de la série réside donc dans le fait que l’on aurait tous plus ou moins réagit comme Brett à chacune de ses journées.
Que feriez-vous si vous étiez coincé dans la même journée?
D’aucuns diront que Grounhog Day (Harold Ramis, 1993), bon film au demeurant, a déjà usé ce thème jusqu’à la moëlle, d’autres que l’excellente série Tru Calling repose entièrement sur cette boucle journalière; à ceux-là, dont la remarque est pleine de sens et de justesse, dont la culture audiovisuelle n’est pas à remettre en cause et avec qui j’irai bien boire un verre pour qu’on en discute, à ceux-là donc, je leur répondrai: certainement.
Mais là où Day Break fait fort, c’est que la série va au-delà de l’idée de la boucle temporelle pour la transcender: en effet, loin de toutes ces séries qui pose une question en y répondant par une autre cinq épisodes plus tard et dont je me délecte de ne pas les regarder, Day Break propose de répondre à toutes les questions. Il n’est en aucun cas une porte laissée ouverte si ce n’est l’ultime plan qui amène le spectateur à sa propre interprétation.
Et si l’explication était finalement donnée?
La série s’étale sur 13 épisodes mais la boucle temporelle, elle, est d’un jour étendu sur… vous pouvez toujours vous amuser à les compter. Comme je l’ai déjà mentionné, le créateur de la série a dû créer un emploi du temps pour chacun des personnages et les différentes altérations en fonction des connaissances de Brett sur les événements et les conséquences que ses décisions entraînent. Dans les premiers épisodes, on peut Rita se faire exécuter assise au volant de sa voiture. Ou Chad se faire tuer de sang froid après avoir retiré de l’argent à un distributeur? Qu’est-ce qui les a conduit à cet endroit précis et pourquoi se font-ils assassiner ne sont pas les premières questions qui viendraient à l’esprit mais elles ont pourtant leur importance et chacunetrouvera sa réponse à la fin de la série. Les scénaristes ne trichent pas avec nous mais utilisent la mise en avant d’un détail qui nous fait occulter tous les autres, un peu comme dans un roman policier. On serait alors plus amener se dire que les méchants sont des vrais salauds, ils vont jusqu’à tuer Rita pour obliger Brett à assumer le meurtre, ou que Chad est un bad guy et que c’est bien fait pour lui ce qui lui arrive. Mais les créateurs ne laissent rien, et j’insiste sur le rien, au hasard. Chaque geste de chacun des protagonistes a une raison, chaque phrase, regard, silence… une explication. Il est vrai qu’après l’épisode de l’arrestation du meurtrier, on pouvait se demander ce qui pouvait bloquer Brett dans cette journée. Mais, après une réflexion poussée, il est certain qu’un nombre de trous noirs persistent! Et les réponses viendront… et donneront à l’histoire, un nouvel angle ou plutôt le seul et véritable angle car tout ce qu’on a vu ne peut que conclure à cette solution.
Et si c’était “déjà vu”?
Si l’on pousse l’analyse un peu plus loin, on constatera que Day Break reprend une des règles basiques du jeu vidéo: le héros a plusieurs chances. Et quoiqu’il fasse, il peut toujours recommencer pour pouvoir continuer. N’en témoignent certaines scènes qui obligent Brett à revenir un “jour”" plus tard avec une attitude différente ou un objet en plus en sa possession qui va obliger son interlocuteur à avoir une autre position auprès du policier.
Il est des actions que Brett doit nécessairement faire pour avancer. Aider sa coéquipière à résoudre son problème la fera se réveiller “différente”, de même dire la vérité à sa copine en appuyant sur un point précis provoquera une altération dans la journée du lendemain. Comme un jeu vidéo scripté, le personnage est contraint de trouver la solution pour pouvoir aller plus loin. Par là, la série rejoint beaucoup les jeux d’aventures offrant des réponses multiples à une situation et une liberté d’action. Les titres les plus proches seraient les Fallout, les Knights of the Republic entre autres… c’est en essayant des combinaisons logiques avec les données que l’on a en sa possession que l’on pourra ou provoquer une réaction négative et donc devoir recommencer la séquence (cf. l’épisode où Brett va chez Detweiler et surtout celui très Grounhog Dog où il baisse les bras) ou amener l’interlocuteur à faire ce qu’il devrait logiquement être amené à faire.
J’aurais pu me fatiguer un peu plus et aiguiser ma plume pour vous faire saliver encore plus mais j’ai écrit ça dans la nuit et je n’ai plus l’esprit clair. Conclusion: regardez Day Break et jetez le reste aux oubliettes du formatage télévisuel.
ABC
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